Philippe Villemure
Ville de Québec QC
Canada
Bonjour à vous,
Inouï! comme une vie peut basculer tout à coup, forçant une remise en question et un ajustement de tous ses projets et ambitions. Il en est de même en particulier pour le cancer du sang. La mienne a basculé en avril 2006, alors que je venais de terminer mes études universitaires ainsi que mon éducation spécialisée et que j’avais décroché un emploi à Montréal correspondant tout à fait à mes objectifs.
De retour de voyage, mes parents se sont étonnés des changements physiques apparus depuis quelques mois : perte de poids importante, grande fatigue constante, essoufflement, perte d’énergie inexplicable, pâleur sur tout le corps, ecchymoses, fréquentes infections.
Mais… j’avais toujours une explication plausible :
Quel étudiant n’a pas ‘blanchi’ lors des sessions finales d’examens? Un jeune de 25 ans n’est ni fragile, ni malade !!!! Les vacances s’en viennent. Je vais prendre le dessus, en m’accordant plus de repos.
Non pas que je n’aie pas consulté : mais toutes les explications allaient en ce sens.
Pourtant, il suffit d’une personne significative pour sonner l’alerte. La mère d’un ami, qui ne m’avait pas vu depuis quelques mois, consultée en clinique sans rendez-vous m’a demandé de me rendre immédiatement à l’hôpital pour une prise de sang : hospitalisation sur le champ, transfert à l’Hôtel-Dieu de Québec, chimio immédiate, recherche de compatibilité avec mon frère pour un don de moelle osseuse. Mais peine perdue. Tous les éléments ne sont pas suffisamment compatibles.
Inouï! Comme tout va vite… quand la vie nous presse.
Tout à coup, tout s’enchaîne, tout tourbillonne autour de moi; la prise de sang est à l’envers, les globules blancs se multiplient en folie, les examens s’enchainent. Pas le temps de penser.
Et pourtant, il faut reconnaître combien les soins se sont avérés d’une efficacité formidable. Je savais que les traitements étaient parfois expérimentaux pour un jeune de mon âge. Les médecins hémato-oncologues ont fait preuve d’une compétence et d’un respect inébranlable des protocoles. 15 jours plus tard, je revenais à la maison, au même point que lors de mon hospitalisation, mais bien des espoirs m’étaient permis, avec tout d’abord un suivi médical hebdomadaire, puis mensuel, et depuis 15 ans, aux trois mois, toujours avec la même médication.
Comme on ne peut se soigner seul, on apprend au jour le jour à faire confiance à la recherche scientifique, à l’équipe soignante et surtout à se faire confiance, car on est les premiers concernés. On apprend aussi à poser les bonnes questions, à prendre les décisions éclairées, à respecter la médication, les rendez-vous médicaux.
Force est de reconnaître combien la recherche a permis des avancements dans le traitement des maladies du sang! Depuis 2006, je vis avec le GLEEVEC. Malgré des effets secondaires, comme la fatigue, je respecte ‘religieusement’ la posologie, puisqu’elle me permet d’avancer dans la vie.
On apprend à vivre avec la maladie. On apprend à reconnaître ses limites. On sait qu’il y a des hauts et des bas, des journées avec une certaine énergie, suivies de moments plus pénibles à traverser.
Après une première année de soins plus intenses, j’ai pu retourner au travail dans un service de santé, puis dans une ressource communautaire. Mais la force d’antan n’y était pas, ni les énergies nécessaires pour remplir ces fonctions exigeantes.
Ma vie s’oriente actuellement vers le bénévolat , ce qui me permet d’exercer mes forces tout en respectant mes limites.
Bien important de ne pas s’isoler, de rencontrer des groupes d’entraide, de s’alimenter sainement, de faire de l’exercice. Je dois avouer que lorsque je prends mon vélo pour quelques kilomètres, ou que je lance ma boule de quilles dans l’allée, ou que je reviens d’une marche au grand air, ou que je participe à une activité, je me sens vivant et j’accueille ces moments comme un cadeau de la vie.